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29/01/2025

GOMA : GUERRE ET TENSIONS AU CONGO........

Goma : guerre et tensions au Congo

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Le conflit en République Démocratique du Congo (RDC) prend un tournant inquiétant. Mêlant enjeux historiques, politiques et économiques, il menace désormais de bouleverser tout l’équilibre de l’Afrique centrale.

Le gouvernement du Président de la République Démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, pourrait-il chuter dans les jours à venir ?

La question se pose désormais alors que de violents affrontements ont opposé, ces dernières heures, l’armée régulière aux rebelles du M23, autour de Goma, qui vient de tomber aux mains de ces derniers. Les combats ont fait 17 morts et plus de 300 blessés.

Un conflit aux racines historiques profondes

Le Mouvement du 23 Mars (M23) est une organisation militaire fondée en 2012 par d’anciens soldats mutinés de l’armée congolaise et des ex-rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Pendant une décennie, les combats avec les forces gouvernementales se sont limités à des escarmouches sporadiques, suivies de trêves fragiles et d’accords rarement respectés.

Mais ces derniers mois, les affrontements se sont intensifiés, poussant plus de 400 000 personnes à fuir leurs villages du Nord-Kivu.

L’origine de ce conflit plonge ses racines dans le génocide rwandais de 1994 et secoue toute la région des Grands Lacs. Depuis quelques années, le Président rwandais Paul Kagamé accuse le régime congolais de soutenir les rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) qui luttent contre son pouvoir.

De son côté, le président Félix Tshisekedi reproche à Kigali son appui présumé au M23, un groupe rebelle majoritairement composé de Tutsis.

Malgré de vives accusations, étayées notamment par un rapport accablant publié en 2023 par l’ONG Human Rights Watch, Paul Kagamé (lui-même Tutsi et proche de l’ancienne famille royale du Rwanda) nie farouchement toute implication directe dans les violences actuelles.

Des enjeux économiques cruciaux

Au-delà des dimensions ethniques et politiques, cette guerre cache également un enjeu économique majeur. La province du Nord-Kivu abrite près de 80 % des réserves mondiales de coltan, un minerai essentiel à la fabrication de téléphones et d’ordinateurs. Kigali, dont l’économie repose de plus en plus sur les nouvelles technologies, voit dans le Kivu une opportunité stratégique.

Dans cette région vit aussi une population appelée Banyarwandais, souvent la cible des Congolais en raison de leur double origine tutsis et hutus, et victimes d’assassinats de masse dans les années 1960 et 1990.

Une escalade aux implications internationales

Toutes les tentatives de médiation entre les deux parties ont échoué jusqu’ici. Face à la recrudescence du conflit, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France avaient conjointement appelé leurs ressortissants à quitter la ville de Goma dans les meilleurs délais.

Quelques jours auparavant la prise de Minova et de Saké par les rebelles du M23 (suppléés par 3 000 soldats rwandais), que plus rien ne semble arrêter, avait alerté la communauté internationale sur l’escalade imprévue de ce conflit. Face au M23, Kinshasa n’a pu opposer qu’une armée congolaise affaiblie, obligée de s’appuyer sur des milices locales ou des mercenaires venus d’Europe de l’Est (possiblement membres du groupe russe Wagner d’après le quotidien Deutsche Welle).

Les soldats ont perdu leur chef sur place, le général major Peter Cirimwami, gouverneur de la province, tué par balle le 23 janvier 2025.

Le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda et le Burundi ont été autorisés à déployer des contingents au Congo, mais ne semblent pas en mesure de faire tampon entre les forces gouvernementales et les rebelles. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, « alarmé » par les développements en cours, a convoqué une session extraordinaire de l’Organisation des Nations unies (ONU).

La réunion n’a accouché que d’un communiqué vague, dénonçant le « mépris éhonté » fait à un pays souverain par des « forces extérieures », sans nommer une seul fois le Rwanda ou prendre la peine de mentionner les treize soldats étrangers déjà tués, dont trois Casques bleus, dans les combats précédents la prise de Goma.

De son côté, après un entretien téléphonique avec ses homologues congolais et rwandais avec lesquels elle entretient des rapports difficiles, la France, par l’intermédiaire du Président Emmanuel Macron a exigé la « fin immédiate de l’offensive du M23 et des forces rwandaises ainsi qu’au retrait de ces dernières du territoire congolais ».

Si Paris tente de s’imposer diplomatiquement, sa voix porte peu en réalité, loin derrière la Turquie qui a affirmé être « prête à apporter toute l’aide nécessaire pour résoudre [la crise] entre le Rwanda et la République démocratique du Congo ».

Très influente dans la Corne de l’Afrique (où elle a mis fin aux tensions entre l’Éthiopie et la Somalie), Ankara est la nouvelle venue dans le nouveau partage du gâteau africain 2.0 par les nouvelles puissances émergentes et s’est singulièrement rapprochée de Paul Kagamé.

Une répétition de l’histoire ?

La précipitation des événements a contraint le Président Félix Tshisekedi à quitter en urgence le forum de Davos pour rentrer au Congo. Son cabinet s’est dit consterné par l’attitude de l’ONU et de l’Union africaine (UA) qui semble tout aussi démunie face à la situation.

La chute de Goma pourrait précipiter celle du gouvernement congolais, rappelant la prise de Kinshasa par le chef rebelle Laurent-Désiré Kabila en 1997, avec déjà le soutien du Rwanda, qui avait conduit à la destitution du Président Mobutu Sese Seko.

Plusieurs sources affirment que des réguliers de l’armée congolaise ont déjà basculé dans le camp ennemi. Alors que le Congo vient de rappeler son personnel diplomatique de la capitale rwandaise, les prochains jours s’annoncent maintenant cruciaux pour ce pays, victime de convoitises depuis son indépendance en 1960.

À propos de l’auteur
 

Frédéric de Natal

 

29 janvier 2025

 

Photo : Photo/Samy Ntumba Shambuyi)/KIN106/25028410660668//2501281234

 
 

Goma : le Congo face à ses défaillances

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Le conflit qui dure depuis plusieurs années au Kivu a pris une nouvelle dimension avec la prise de Goma par le mouvement du 23 Mars. Une guerre qui témoigne des défaillances économiques et sociales du Congo et qui menace la stabilité du pays.

Accélération de la guerre au Nord-Kivu. En juillet 2024, un rapport de l’ONU soulignait que les affrontements qui durent depuis une décennie avaient provoqué le déplacement de 1,7 million de personnes au Nord-Kivu et près de 500 000 vers le Sud-Kivu.

Courant janvier, les affrontements se sont emballés pour aboutir à la prise de Goma, la ville la plus importante du Nord-Kivu. L’imbrication des acteurs rend la compréhension de la crise particulièrement complexe.

D’un côté, le mouvement du M23, organisation militaire fondée en 2012 par d’anciens soldats de l’armée congolaise et des ex-rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). De l’autre, l’armée congolaise, qui s’appuie sur des groupes rebelles comme proxy, notamment les Wazalendo, des groupes armés qui terrorisent les populations civiles à Goma.

Le président rwandais, Paul Kagamé, accuse le Congo de soutenir les rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), groupe militaire d’opposition à Kagamé. Quant à Félix Tshisekedi, il reproche à Kigali son appui au M23, qui est majoritairement composé de tutsis. Cette situation conflictuelle remonte au génocide de 1994 et n’a fait que s’aggraver depuis lors.

 

Une guerre sale

Le rapport de l’ONU cité plus haut souligne les dérapages multiples de cette guerre. L’armée congolaise fait ainsi usage d’enfants soldats, alors même que le Congo a ratifié les accords internationaux interdisant cette pratique.

Plus récemment, le Congo a fait usage de méthodes expéditives pour éradiquer la criminalité. Les kuluna, des bandits urbains organisés qui saccagent certaines grandes villes, dont Goma, ont ainsi été arrêtés et condamnés à mort, d’une façon dont beaucoup reproche des méthodes expéditives et non conforme au droit. Amnesty International a ainsi demandé aux autorités de la RDC de suspendre les exécutions, rapporte BBC Afrique, reprochant notamment le fait qu’un grand nombre de prévenus aient été incarcérés dans la prison d’Angenga. « Une prison où des dizaines de détenus sont morts de faim et de maladies par le passé. » Les organisations craignent des exécutions sommaires, organisées dans le cadre de jugements hâtifs.

Le Congo est donc pris entre plusieurs feux. D’un côté, une perte de terrain au Kivu, de l’autre des bandes armées qui terrorisent les populations civiles, qui ne peuvent plus sortir de chez elles après 20h, y compris à Kinshasa.

 

Un pouvoir sur la sellette

Le gouvernement de Félix Tshisekedi est plus que jamais sur la sellette. Après avoir promis la fermeté au Kivu et la défense coûte que coûte de Goma, l’armée congolaise a montré son inefficacité, engendrant des mouvements de protestation dans la capitale et des attaques des ambassades, dont l’ambassade de France, où le service des visas a été incendié. Alors que plus de 2 500 km sépare Kinshasa de Goma, les événements des Grands Lacs ont de lourdes répercussions sur les rives du fleuve Congo. Gangrené par la corruption et les défaillances économiques, le Congo ne parvient pas à fournir un avenir à sa jeunesse. La lutte contre le Rwanda devient alors un exutoire pour canaliser la colère de la foule. Mais avec la prise de Goma, tout s’accélère.

Félix Tshisekedi est précipitamment rentré du forum de Davos, afin d’assurer le contrôle du territoire et de l’armée. La situation au Kivu n’est pas sans rappeler celle de 1997, quand Laurent-Désiré Kabila, avec le soutien du Rwanda, avait renversé Mobutu et pris le pouvoir.

Assassiné en 2001, il fut remplacé par son fils, Joseph Kabila, président du Congo de 2001 à 2019, auquel beaucoup reprochaient une filiation faussée, l’accusant d’être en réalité rwandais, ce qui était alors très mal perçu au Congo.

L’animosité du Congo à l’égard des Rwandais, et notamment des tutsis, fut ainsi un moteur politique pour lutter contre Kabila fils mais aussi pour entretenir les guérillas luttant contre le gouvernement de Kagamé. Un antagonisme de longue date qui trouve une nouvelle dimension avec la prise de Goma.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Par Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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