Le conflit en République Démocratique du Congo (RDC) prend un tournant inquiétant. Mêlant enjeux historiques, politiques et économiques, il menace désormais de bouleverser tout l’équilibre de l’Afrique centrale.
Le gouvernement du Président de la République Démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, pourrait-il chuter dans les jours à venir ?
La question se pose désormais alors que de violents affrontements ont opposé, ces dernières heures, l’armée régulière aux rebelles du M23, autour de Goma, qui vient de tomber aux mains de ces derniers. Les combats ont fait 17 morts et plus de 300 blessés.
Un conflit aux racines historiques profondes
Le Mouvement du 23 Mars (M23) est une organisation militaire fondée en 2012 par d’anciens soldats mutinés de l’armée congolaise et des ex-rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Pendant une décennie, les combats avec les forces gouvernementales se sont limités à des escarmouches sporadiques, suivies de trêves fragiles et d’accords rarement respectés.
Mais ces derniers mois, les affrontements se sont intensifiés, poussant plus de 400 000 personnes à fuir leurs villages du Nord-Kivu.
L’origine de ce conflit plonge ses racines dans le génocide rwandais de 1994 et secoue toute la région des Grands Lacs. Depuis quelques années, le Président rwandais Paul Kagamé accuse le régime congolais de soutenir les rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) qui luttent contre son pouvoir.
De son côté, le président Félix Tshisekedi reproche à Kigali son appui présumé au M23, un groupe rebelle majoritairement composé de Tutsis.
Malgré de vives accusations, étayées notamment par un rapport accablant publié en 2023 par l’ONG Human Rights Watch, Paul Kagamé (lui-même Tutsi et proche de l’ancienne famille royale du Rwanda) nie farouchement toute implication directe dans les violences actuelles.
Des enjeux économiques cruciaux
Au-delà des dimensions ethniques et politiques, cette guerre cache également un enjeu économique majeur. La province du Nord-Kivu abrite près de 80 % des réserves mondiales de coltan, un minerai essentiel à la fabrication de téléphones et d’ordinateurs. Kigali, dont l’économie repose de plus en plus sur les nouvelles technologies, voit dans le Kivu une opportunité stratégique.
Dans cette région vit aussi une population appelée Banyarwandais, souvent la cible des Congolais en raison de leur double origine tutsis et hutus, et victimes d’assassinats de masse dans les années 1960 et 1990.
Une escalade aux implications internationales
Toutes les tentatives de médiation entre les deux parties ont échoué jusqu’ici. Face à la recrudescence du conflit, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France avaient conjointement appelé leurs ressortissants à quitter la ville de Goma dans les meilleurs délais.
Quelques jours auparavant la prise de Minova et de Saké par les rebelles du M23 (suppléés par 3 000 soldats rwandais), que plus rien ne semble arrêter, avait alerté la communauté internationale sur l’escalade imprévue de ce conflit. Face au M23, Kinshasa n’a pu opposer qu’une armée congolaise affaiblie, obligée de s’appuyer sur des milices locales ou des mercenaires venus d’Europe de l’Est (possiblement membres du groupe russe Wagner d’après le quotidien Deutsche Welle).
Les soldats ont perdu leur chef sur place, le général major Peter Cirimwami, gouverneur de la province, tué par balle le 23 janvier 2025.
Le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda et le Burundi ont été autorisés à déployer des contingents au Congo, mais ne semblent pas en mesure de faire tampon entre les forces gouvernementales et les rebelles. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, « alarmé » par les développements en cours, a convoqué une session extraordinaire de l’Organisation des Nations unies (ONU).
La réunion n’a accouché que d’un communiqué vague, dénonçant le « mépris éhonté » fait à un pays souverain par des « forces extérieures », sans nommer une seul fois le Rwanda ou prendre la peine de mentionner les treize soldats étrangers déjà tués, dont trois Casques bleus, dans les combats précédents la prise de Goma.
De son côté, après un entretien téléphonique avec ses homologues congolais et rwandais avec lesquels elle entretient des rapports difficiles, la France, par l’intermédiaire du Président Emmanuel Macron a exigé la « fin immédiate de l’offensive du M23 et des forces rwandaises ainsi qu’au retrait de ces dernières du territoire congolais ».
Si Paris tente de s’imposer diplomatiquement, sa voix porte peu en réalité, loin derrière la Turquie qui a affirmé être « prête à apporter toute l’aide nécessaire pour résoudre [la crise] entre le Rwanda et la République démocratique du Congo ».
Très influente dans la Corne de l’Afrique (où elle a mis fin aux tensions entre l’Éthiopie et la Somalie), Ankara est la nouvelle venue dans le nouveau partage du gâteau africain 2.0 par les nouvelles puissances émergentes et s’est singulièrement rapprochée de Paul Kagamé.
Une répétition de l’histoire ?
La précipitation des événements a contraint le Président Félix Tshisekedi à quitter en urgence le forum de Davos pour rentrer au Congo. Son cabinet s’est dit consterné par l’attitude de l’ONU et de l’Union africaine (UA) qui semble tout aussi démunie face à la situation.
La chute de Goma pourrait précipiter celle du gouvernement congolais, rappelant la prise de Kinshasa par le chef rebelle Laurent-Désiré Kabila en 1997, avec déjà le soutien du Rwanda, qui avait conduit à la destitution du Président Mobutu Sese Seko.
Plusieurs sources affirment que des réguliers de l’armée congolaise ont déjà basculé dans le camp ennemi. Alors que le Congo vient de rappeler son personnel diplomatique de la capitale rwandaise, les prochains jours s’annoncent maintenant cruciaux pour ce pays, victime de convoitises depuis son indépendance en 1960.
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