Emmanuel Macron, ou son fameux « en même temps ».

Capable du pire comme du meilleur, c’est souvent dans le pire qu’il se révèle le meilleur.

Et pourtant, durant sa visite officielle en Chine, à défaut d’être le meilleur, il n’a pas été le pire, affirmant que « la pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes » sur la question de Taïwan et « nous adapter au rythme américain et à une sur-réaction chinoise ».

Et le même, dans un élan jupitérien, d’appeler « l’Europe à se réveiller », refusant « d’entrer dans une logique de bloc à bloc ».

Bref, voilà le résident de l’Élysée maintenant suspect de vouloir échanger ses costumes cintrés contre le képi gaullien.

Une telle sortie ne pouvait donc qu’agacer nos « amis » états-uniens, très chatouilleux dès lors que la France fait semblant de s’émanciper de la tutelle européenne et, par voie de fait, du tuteur américain.

Les plus en pointe dans le débat sont évidemment les républicains. Marco Rubio, l’un des principaux rivaux de Donald Trump avec Ron DeSantis, qui tweete illico : « Nous avons besoin de savoir si Macron parle pour Macron ou s’il parle pour l’Europe. Nous avons besoin de le savoir rapidement. »

La réponse réside malheureusement dans la question : Emmanuel Macron ne parle que pour lui, le « en même temps » étant un concept celant en lui ses propres limites.

Ou alors, faudrait-il au moins qu’il renverse la table et remette la construction européenne à l’endroit. Ce que jamais il ne fera. Car ce serait renier ce qu’il est, ce pourquoi il a été élu.

Pourtant, « Jupiter » se signale parfois par des commentaires fulgurants, dont « la mort cérébrale de l’OTAN » ne fut pas l’un des plus incongrus. Tout comme lorsqu’il prétend qu’il ne faut pas « humilier la Russie » et continuer à conserver le lien avec le Kremlin, les esprits les plus sensés ne peuvent qu’applaudir.

Seulement voilà, il y a Emmanuel et il y a Macron. Le premier prône une version verticale du pouvoir et le second reçoit Mcfly et Carlito. Pareillement, l’un veut plus de France tandis que l’autre veut plus d’Europe. Mais quelle France et quelle Europe ? Là encore, il faudrait trancher, ce qu’Emmanuel Macron ne veut ou ne peut ; prisonnier qu’il est de ceux ayant contribué à le faire élire. Ou tout simplement inconscient des enjeux à venir. C’est au choix.

Finalement, cet homme demeure une énigme. Ce ne sera pas la première de la Cinquième République. Valéry Giscard d’Estaing, son modèle inavoué, était en proie aux mêmes tiraillements : pionnier de la construction européenne tout en conservant parfois des réflexes patriotiques à l’ancienne, façon Légion sur Kolwezi. Puis Jacques Chirac, l’homme sans lequel le traité de Maastricht n’aurait jamais été adopté en 1992, alors qu’il fut celui de l’appel de Cochin, en 1978, texte singulièrement anti-européiste, mais qui a malgré tout le courage de défier les USA en 2003, à l’occasion de la seconde guerre du Golfe.

Ces circonvolutions a priori contradictoires, seule peut l’expliquer cette construction européenne dont la France s’est naguère voulue le maître et dont elle est aujourd’hui l’esclave plus ou moins consentante. En effet, dans cette timide sortie, qu’a voulu rappeler Emmanuel Macron ? Que le général de Gaulle, et ses successeurs depuis, n’ont jamais reconnu, depuis 1964, qu’une seule Chine. Et que la France n’a jamais formellement reconnu Taïwan.

D’où ces propos tenus par le Général, la même année : « La Chine est une chose gigantesque. Elle est là. Vivre comme si elle n’existait pas, c’est être aveugle, d’autant qu’elle existe de plus en plus. »

La différence, c’est que si Emmanuel Macron paraît ouvrir un œil de temps à autre, les instances européennes, elles, demeurent aveugles en permanence.

D’ailleurs, Emmanuel Macron a-t-il encore les moyens d’un semblant de cette politique étrangère qui, jadis, pouvait nous mettre à équidistance des grands blocs en présence ? Non.

Le véritable patron du Vieux Continent, ce n’est plus lui mais, désormais, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.

Le reste n’est que littérature. Jusqu’à quand ?