[ÉDITO]

Vers la guerre

Capture d'écran présidence de la République
Capture d'écran présidence de la Républi

Le torse bombé, la mâchoire serrée, le regard perçant, il passe en revue, aux accents de la Marche consulaire, les troupes déployées devant le monument à la mémoire du maquis breton de Saint-Marcel.

Seul. Contre tous les usages séculaires de notre vieille armée française. Macron imperator !

À ce moment-là, de deux choses l’une : soit il joue à merveille la comédie, soit - et c’est là que c’est peut-être le plus dangereux - il y croit, il s’y croit vraiment.

Vient ensuite le discours de « Je suis votre chef », devant les troupes au garde-à-vous, saint-cyriens et forces spéciales.

« Alors que les périls montent, vous rappelez que nous sommes prêts à consentir aux mêmes sacrifices pour défendre ce qui nous est le plus cher, notre terre de France…

» Vous noterez le « nous », comme s’il allait y aller lui-même, gants blancs et casoar au vent.

Des accents presque gaulliens, voire pétainiens (la terre qui, comme chacun sait, ne ment pas !), si le Président n’ajoutait pas immédiatement : « …et nos valeurs républicaines »... Évidemment.

Pas certain que nos soldats pensent aux valeurs républicaines lorsqu’ils font le parcours du combattant ou marchent de nuit avec 30 kg sur le dos.

Tiens, au fait, une petite parenthèse, puisque ce discours était prononcé devant la croix de Lorraine : dans l’appel fondateur du 18 juin, le mot « République » n’apparaît jamais.

Fin de la parenthèse.

 

Que se passera-t-il si des soldats français sont tués au cours d'un bombardement ?

Et de poursuivre dans le grandiloquent qui lui va à merveille : « Je sais notre pays, fort d’une jeunesse audacieuse, vaillante, prête au même esprit de sacrifice que ses aînés… »

Quelle jeunesse ?

Celle qui brûlait les voitures, l’an passé, parce qu’elle s’ennuyait après l’école ?

Ou bien les bataillons des Jeunes avec Macron qu’on n’a pas vus, pour l’instant, quitter leurs écoles de commerce pour se précipiter dans nos écoles militaires et aller sauver ces fameuses valeurs de la République ?

On sait pas.

En tout cas, on se dit, à ce moment précis, que Macron ne rigolait peut-être pas quand il évoquait, quelques jours avant, l’éventualité d’envoyer des instructeurs en Ukraine. Une marche de plus vers la guerre. La preuve ?

La déclaration du porte-parole de l’ambassade de Russie à Paris : « Si vous envoyez vos instructeurs sur le sol ukrainien pour qu’ils forment les soldats ukrainiens pour mieux cibler et tuer les Russes, ils constitueront naturellement une cible légitime. »

Et Paris de s’offusquer : « Ce sont des propos scandaleux qui ne resteront pas sans conséquences », a déclaré, à l’AFP, le Quai d’Orsay.

C’est-à-dire, « sans conséquences » ?

Pourtant, on aura beau ratiociner sur le statut de ces éventuels instructeurs (belligérants ou pas), l’argumentation russe, au point de vue strictement militaire, se tient.

Imaginons ce qu’il se passera si des soldats français sont tués ou blessés au cours du bombardement russe d’une base ukrainienne.

Imbrication des dispositifs, combats dans la profondeur, assistance au plus près de la ligne de front : tout cela multiplie à l’évidence les risques d’une telle éventualité.

Une éventualité qui, désormais, n’est plus une hypothèse d’école, selon cette mécanique bien huilée et infernale qui veut que ce qui était inenvisageable hier le devient aujourd’hui avant de devenir une réalité demain.

Certes, ce ne serait pas la première fois que la France envoie une mission à l’est de l’Europe.

Macron et Lecornu ont-ils entendu parler de la mission militaire française envoyée en Pologne pour soutenir la toute nouvelle république au sortir de la Grande Guerre face à la toute jeune Union soviétique ?

Mais à cette époque, l’armée française était la première armée d’Europe et, surtout, l’arme nucléaire n’existait pas encore… 

Toujours au sujet de cet envoi d’instructeurs, on pourrait aussi évoquer le cas du Vietnam.

C’est ce que vient de faire Henri Guaino. « Vous savez comment a commencé la guerre du Vietnam, pour les Américains ? », demandait-il, cette semaine, sur le plateau de CNews.

« On a commencé par envoyer des instructeurs »… 800 conseillers envoyés par Kennedy qui passèrent à... plus de 16.000 en 1964. Avant, finalement, l’envoi de combattants.

Au total, c’est plus de trois millions de jeunes Américains qui firent cette guerre du Vietnam.

Un exemple historique à méditer, car l’Histoire devrait être méditée avant d’être instrumentalisée, comme, du reste, le fait de manière quasi indécente Macron.

L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, lui, à l’évidence, a médité, et c’est pourquoi il dénonce cet « engrenage » et cette « escalade ».

Selon lui, « on joue avec le feu »

Et à la fin, comme aimait à le répéter le maréchal Pétain, « le feu tue »...

 

 

 
 
Georges Michel
Georges Michel
 
Editorialiste à BV, colonel (ER)